Le suivi numérique des transactions dématérialaisées, outil de résilience pour les économies africaines
Par: Agence Ecofin
C’est l’un des enseignements majeurs de la crise que nous traversons. Alors que le Covid a frappé de plein fouet nos économies, alors que l’Afrique va entrer en récession pour la première fois depuis 25 ans, les Etats doivent se doter des moyens de sécuriser les flux financiers dématérialisés afin de les consolider. Un constat particulièrement d’actualité, quand, partout sur le continent, les transactions d’argent mobile sont dopées par les mesures de distanciation physique et les incitations à les privilégier, au détriment des espèces.
Si l’année 2019 avait déjà enregistré des données record en Afrique en matière d’argent mobile, avec 50 millions de nouveaux comptes créés – soit un total de 469 millions d’utilisateurs – pour une valeur totale des transactions dépassant 456 milliards de dollars, nul doute que la crise agira en accélérateur de cette tendance. En attendant les chiffres 2020 de la GSMA, nous savons déjà que le continent dépassera les 500 millions d’utilisateurs d’argent mobile cette année et que le recours aux transactions dématérialisées ira crescendo. D’où la nécessité de numériser la régulation de cet écosystème afin de le sécuriser et de consolider les économies africaines, et ainsi de mieux absorber les effets des crises économiques à venir.
Ce constat est aussi valable pour l’écosystème des envois de fonds, qui ont considérablement ralenti en Afrique (-43% depuis le début de la pandémie, selon la Banque Mondiale, qui prévoit une baisse de 23% sur l’année 2020) alors qu’elles affichaient une croissance record ces dix dernières années, jusqu’à atteindre 48 milliards de dollars en 2019, selon la Cnuced. Une inversion de tendance qui affecte encore un peu plus la capacité des Etats africains à surmonter la crise.
Dans un contexte économique tendu, la sécurisation des flux dématérialisés est un enjeu majeur pour limiter au maximum les pertes financières pour les Etats et pérenniser leur contribution essentielle au développement du continent. Vu leur importance, il est surprenant que la plupart des Etats ne soient pas équipés des outils adéquats pour un monitoring transparent, ce qui éviterait des situations extrêmes comme au Nigeria, premier destinataire africain des envois de fonds. En 2018, la différence entre les données sur les envois de fonds déclarés par le gouvernement et celles estimées par les acteurs du secteur y a atteint 16 milliards de dollars !
Obtenir des statistiques en temps réel, pouvoir réaliser des analyses approfondies et assurer la sécurité et la conformité des opérations nécessite des outils de suivi numérisés. Pour les opérateurs, c’est le meilleur moyen d’identifier les pays d’origine de envois de fonds, le volume et les valeurs des transactions associées pour les transactions individuelles ainsi que les montants globaux. Pour les autorités, la garantie de recueillir des données fiables indispensables à la prise de décision en matière de planification financière.
Dans le contexte actuel, les outils de suivi numérique des flux dématérialisés permettent aussi aux pays les ayant adoptés d’adapter leur stratégie pour davantage de résilience face à la crise. Afin de limiter la pression économique sur les consommateurs et de réduire le risque de transmission du virus par la manipulation d’espèces, le gouvernement rwandais, a par exemple pris l’initiative d’éliminer les frais de service sur certains types d’opérations d’argent mobile. Cela a notamment été possible grâce à la plateforme Fin-X, qui permet à l’autorité de régulation nationale et à la Banque centrale du Rwanda de collecter, traiter et générer des résultats et des rapports stratégiques sur le secteur de l’argent mobile.
Alors que tout concourt à la numérisation des transactions, il existe un revers de la médaille : le risque accru de fraudes, qui doit lui aussi être une préoccupation majeure pour les autorités de régulation, les gouvernements et les banques centrales. Sur ce point aussi, le suivi numérique des transactions permettra de réduire les fraudes, et par ricochet de solidifier l’écosystème des transactions financières en détectant automatiquement les transactions suspectes potentiellement liées au blanchiment d’argent et à d’autres activités criminelles.
James Claude, PDG de Global Voice Group