Les Big Data et la technologie, catalyseurs du développement socioéconomique de l’Afrique
« [L]a technologie numérique peut donner un élan sans précédent au développement durable, particulièrement dans les pays les plus pauvres*. » Cette déclaration faisait partie de l’intervention du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, au 17ème Forum sur la gouvernance de l’Internet qui a eu lieu à Addis Abeba en novembre et décembre derniers. S’appuyant sur la notion maintenant largement acceptée selon laquelle la technologie est un pilier du développement, la dernière table ronde médiatique de GVG a réuni trois membres du panel et plusieurs journalistes de médias clés africains autour du thème « Technologie et Big Data : alliées de l’avenir numérique de l’Afrique* ». Les membres du panel, James Claude de GVG ; G.K. Ndungu, économiste, analyste des politiques publiques et expert en gouvernance ; et Mugambi Laibuta, avocat du tribunal de grande instance du Kenya, ont répondu à six questions visant à déterminer la marche à suivre pour stimuler le développement du continent grâce à la technologie et aux Big Data.
Comment les gouvernements africains utilisent-ils la technologie et les données pour améliorer les services et la gouvernance publics ?
Cette question s’adressait à James Claude et à G.K. Ndungu. Sur le sujet des services et de la gouvernance publics, James Claude a fait remarquer que certains gouvernements africains utilisaient déjà les TIC pour améliorer la prestation des services. Il est en effet possible, dans certains pays, de faire une demande de permis de conduire et de payer des factures de services publics en ligne. Il a cependant admis que les gouvernements africains devaient tirer meilleur parti des TIC pour améliorer l’identité numérique, mieux communiquer avec les citoyens via les réseaux mobiles et rassembler et analyser des données provenant de différents secteurs économiques pour mieux superviser ces derniers et soutenir les processus décisionnels.
S’appuyant sur les remarques de James, G.K. Ndungu a ajouté que la technologie améliorerait les services d’état civil, en permettant aux citoyens de demander et d’obtenir des certificats de naissance et de décès plus facilement, par exemple. Il a également discuté de la façon dont les technologies de données pouvaient aider les gouvernements à remplir leurs fonctions de production de données économiques à des fins de planification et de reporting, ainsi que d’engagement du public.
Comment la technologie peut-elle aider à promouvoir le développement durable
en Afrique ?
Selon James, les technologies Big Data sont les meilleures alliées des gouvernements lorsqu’il s’agit de mesurer l’impact de la réglementation et de promouvoir l’inclusion financière en vue de soutenir une croissance durable. James a expliqué que la réglementation jouait un rôle décisif pour les fintech comme l’argent mobile, et que la technologie pouvait faciliter la création de politiques pertinentes, en fournissant les données nécessaires.
À titre d’exemple, il a mentionné le fait que le développement de l’argent mobile était à la traîne dans les régions autres que l’Afrique de l’Est, en raison d’une réglementation inadaptée. Il a recommandé que les gouvernements tirent parti de la popularité de l’argent mobile sur le continent pour payer les fonctionnaires et permettre aux citoyens de payer leurs impôts. Les gouvernements devraient également profiter des technologies de données pour obtenir des informations sur les secteurs économiques clés afin d’optimiser leur gouvernance, a-t-il dit. Il est donc important de se concentrer sur l’investissement et la mise en œuvre de l’infrastructure nécessaires dans le secteur des TIC, a-t-il ajouté.
Comment la technologie et les données peuvent-elles favoriser l’innovation qui permettrait aux banques, aux régulateurs et aux consommateurs les plus vulnérables (les femmes, les personnes âgées et les handicapés) d’obtenir de meilleurs résultats ?
James a répondu que la technologie en était déjà là, même si des progrès étaient encore nécessaires. L’argent mobile, a-t-il proposé comme exemple, permet en effet aux personnes vivant dans des zones isolées d’effectuer des paiements. Cependant, l’analyse des Big Data permet aux gouvernements d’identifier les consommateurs vulnérables et donc de mieux les servir. Il est donc nécessaire de l’exploiter plus avant à cet égard. James a également suggéré que les gouvernements mettent à profit les technologies pour faire appliquer les règles KYC, combattre la fraude et garantir la sécurité de l’écosystème des paiements numériques.
Ce à quoi Mugambi Laibuta a ajouté quelques considérations réglementaires importantes. Il est d’avis qu’en ce qui concerne les services e-gouvernement, l’écosystème des paiements doit être soutenu par une loi du Parlement prenant en compte la culture numérique, l’approvisionnement, la discrimination et la protection des données. L’approvisionnement, par exemple, est particulièrement pertinent dans le cas de l’intelligence artificielle (IA). En effet, cette dernière est souvent alimentée à l’aide de données qui ne proviennent pas d’Afrique, ce qui pourrait entraîner un biais contre certains groupes de population. La discrimination peut également être introduite quand on fait passer les systèmes gouvernementaux en ligne sans résoudre au préalable la question de l’identification.
G.K. Ndungu a conclu en confirmant que l’innovation technologique devrait faire l’objet de davantage de recherche afin de faciliter l’accès aux services pour les personnes handicapées.
Quelle est la situation légale et réglementaire actuelle en Afrique, relativement à l’IA ?
À ce propos, Mugambi Laibuta a déclaré qu’il existait des lacunes légales relativement à l’utilisation de l’IA à des fins décisionnelles. Selon lui, dans le cadre d’une réglementation adaptée, les citoyens devraient être informés du fait que l’IA est impliquée dans les processus décisionnels. Une telle réglementation devrait également prendre en compte la question de la colonisation algorithmique. L’Afrique n’a pas de loi sur l’IA qui permettrait de résoudre les problèmes liés à la transparence et à la responsabilité, a-t-il dit.
Faisant suite à l’intervention de Mugambi, James a fait remarquer que les technologies à succès sont celles qui prennent en compte l’aspect local. Autrement dit, la technologie doit être adaptée au marché africain.
G.K. Ndungu, pour sa part, a évoqué la nécessité d’aligner les fonctions des gouvernements avec les développements de l’environnement technologique, et de « revigorer la philosophie réglementaire* ».
Selon vous, quels sont les principaux défis auxquels les gouvernements et la société font face relativement au déploiement de l’IA ?
Ces défis incluent des « poches d’inégalité* » dues au manque de connectivité ou de capacité financière, a dit G.K. Ndungu. On peut ajouter à cela le fait que les gouvernements doivent se rendre pleinement responsables relativement à l’utilisation de l’IA, sans pour autant y être disposés.
James a appelé au développement d’une loi sur l’IA propre à l’Afrique qui prendrait en compte les réalités africaines, ainsi qu’à une harmonisation réglementaire soutenue par des organisations régionales comme l’Union africaine.
Avant de répondre à la dernière question, Mugambi a réitéré le besoin de réaliser l’harmonisation réglementaire. Il a pris pour exemple la Loi sur la protection des données, ratifiée par 33 pays africains, chacun ayant prévu des dispositions différentes. Un seul et unique cadre de conformité serait plus logique, selon lui.
Quelles sont les politiques et stratégies générales relatives à la gestion des questions soulevées par le déploiement de l’IA relativement à l’éthique et aux droits de l’homme ?
Eu égard à la protection des données et au droit à la confidentialité des données, Mugambi a expliqué qu’en Afrique, même dans les pays où la Loi sur la protection des données est en place, il n’existe pas toujours d’autorité compétente pour la faire appliquer. Et si une telle autorité existe, elle n’est pas indépendante ou bien financée. Il y a donc des lacunes réglementaires en matière de protection des données en rapport avec l’utilisation de l’IA. Cependant, Mugambi a-t-il ajouté, la Constitution du pays concerné peut aider à résoudre les litiges dans la mesure où elle contient des clauses relatives à l’égalité et à la dignité humaine. Donc, même dans les cas où l’environnement réglementaire laisse à désirer, on peut faire appel à la Constitution.
En conclusion, James a souligné la nécessité de créer un marché numérique unique en Afrique grâce à l’harmonisation réglementaire, dans le strict respect des lois relatives à la protection des données.
Relativement à la mise à profit de la technologie comme catalyseur du développement socioéconomique en Afrique, les idées suivantes se sont dégagées de la discussion : la nécessité, pour les gouvernements, d’inclure la technologie dans leur programme respectif, de créer une réglementation adaptée et de promouvoir l’harmonisation réglementaire. GVG fait équipe avec les gouvernements pour les aider à susciter ces changements, en leur fournissant des technologies Big Data qui répondent aux besoins spécifiques de l’Afrique en matière de gouvernance des secteurs.
*Translated from the English original.
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