Par Sara Okuoro
On a longtemps pensé que le continent africain était à la traîne en ce qui concerne la révolution numérique, mais cette perception a commencé à changer au cours des quelques dernières années. La prolifération des téléphones mobiles, l’expansion de l’accès à l’Internet et la croissance du commerce électronique ont eu un impact profond sur les économies africaines, et le continent est maintenant à l’avant-garde de nombreuses tendances numériques, y compris l’argent mobile, la numérisation de l’économie informelle et le développement de logiciels.
Les données jouent un rôle central dans cette révolution et aident les pays africains à faire des progrès considérables en matière de transformation numérique. Les pays et secteurs qui ont commencé à mettre en œuvre des technologies orientées données ont déjà pu apprécier des avantages financiers dans l’écosystème, des avantages dont les gouvernements et régulateurs peuvent témoigner.
Mise en œuvre de technologies orientées données
Les impacts de la technologie orientée données sont divers et variés, et concernent de multiples secteurs. L’industrie africaine des services financiers en est un exemple éloquent. Les services bancaires mobiles et les paiements numériques deviennent de plus en plus populaire sur le continent, et de nombreuses personnes peuvent maintenant accéder à des services financiers par le biais de leur téléphone mobile.
Selon les données, on s’attend à ce que le marché africain des paiements électroniques croisse d’environ 20 % par an, pour atteindre 40 milliards USD d’ici 2025. Cela a contribué à améliorer l’inclusion financière et à faciliter les transactions commerciales.
De plus, la technologie orientée données a permis de développer de nouveaux produits et services financiers, tels que les prêts numériques, qui stimulent la croissance économique.
Les opérateurs de réseau mobile (ORM) et les banques ont récemment commencé à rassembler davantage de données, en vue d’améliorer leur portefeuille de services financiers et de développer de nouveaux produits. Un sondage de Reelanalytics sur la situation des prêts numériques au Kenya montre que 55 % de la population ont souscrit un prêt numérique.
D’autres données, celles-ci provenant de FSD Kenya, montrent que 35 % des emprunteurs kenyans font appel au crédit numérique pour subvenir à leurs besoins ménagers quotidiens, alors que 37 % empruntent pour des raisons professionnelles. Les banques kenyanes se sont servi des données obtenues de leurs clients pour définir des limites de prêt en rapport avec les prêtes mobiles et pour offrir des facilités de crédit.
La technologie orientée données permet aux institutions financières d’analyser les données financières, ce qui les aide à identifier des tendances et ainsi de mieux répondre aux besoins de leurs clients. Cela améliore l’accès aux services financiers pour de nombreux Africains, et donc stimule la croissance économique tout en réduisant la pauvreté.
Élargir la collecte de données dans ce secteur aiderait également les gouvernements à créer des politiques favorables au secteur et à faire le suivi des flux de paiements des fournisseurs de services. Cela aurait pour résultat de faire augmenter les recettes en colmatant les fuites potentielles de revenu, ainsi qu’en signalant toute transaction suspectes sur ces plateformes.
Le secteur des télécommunications a également été impacté par l’utilisation de la technologie orientée données. Prenons l’exemple convaincant du Rwanda. Le régulateur rwandais des services publics, la RURA, a mis en œuvre une solution regtech afin d’améliorer son contrôle des recettes générées dans le secteur, particulièrement celles provenant des appels internationaux. La solution permet de rassembler en temps réel les données relatives au trafic et d’intégrer des outils avancés de détection de la fraude, ce qui a mené à une augmentation de 122 % des recettes générées par les appels internationaux au cours de la première année suivant la mise en œuvre, ainsi qu’à une augmentation de 250 % des recettes globales du secteur des TIC pour le régulateur en 10 ans d’exploitation. Tout cela en collaboration avec le développeur de la solution, Global Voice Group.
Les solutions orientées données connectent les régulateurs aux secteurs régulés par le biais de liaisons de données en temps réel ou quasi réel, ce qui permet la transmission d’informations complètes et exploitables. Cela comble l’écart technologique entre le régulateur et les secteurs régulés, permettant ainsi de de réguler ces derniers de manière active et proactive, au profit de tous les intervenants.
Les données au service des e-gouvernements
L’essor des e-gouvernements en Afrique est une tendance relativement récente qui s’accélère néanmoins rapidement, en raison de l’expansion de la technologie orientée données. L’ «e-gouvernement » fait référence à l’utilisation de la technologie afin d’améliorer les services gouvernementaux et d’encourager la participation des citoyens. Cela inclut l’utilisation de plateformes numériques fournissant des services comme le vote, la déclaration d’impôts et les marchés publics en ligne. Le nombre d’états africains membres de l’ONU ayant un indice faible de développement de l’e-gouvernement (EGDI) a baissé de 26 en 2016 à seulement sept en 2020. Malheureusement, aucun pays africain ne peut encore se vanter d’avoir un EGDI « très élevé ». En Europe, en revanche, 33 pays ont un EGDI « très élevé », et 15 en Asie.
L’un des exemples les plus probants de l’impact qu’a l’e-gouvernement en Afrique est dans le domaine des déclarations d’impôts et de la perception fiscale. Le rapport de 2019 de l’UNCTAD sur le commerce et le développement indique que les pertes fiscales vont de 50 milliards à 200 milliards USD chaque année, des sommes dont 95 % sont à la charge des pays en développement. Ces pertes fiscales représentent un obstacle majeur à la croissance et au développement économique, et appellent à l’adaptation des architectures commerciales, par exemple en intégrant les technologies numériques aux modèles actuels. Dans des pays comme le Ghana, le Kenya et le Rwanda, les citoyens peuvent maintenant faire leurs déclarations d’impôts en ligne et même effectuer le paiement électroniquement. Cela a contribué à renforcer la conformité fiscale et à augmenter les recettes gouvernementales, ainsi qu’à simplifier la démarche pour les citoyens.
L’e-gouvernement aide également à améliorer la façon dont les marchés publics s’effectuent en Afrique. Dans le passé, le processus d’approvisionnement était entaché de corruption et d’inefficacité. Mais avec l’essor des systèmes d’e-gouvernement, le processus est devenu plus transparent et efficace. Cela a permis de réduire la corruption et de stimuler la concurrence, et donc de créer un meilleur rapport qualité-prix pour le gouvernement et les citoyens.
Les données, pilier de l’identité numérique
L’un des principaux impacts de l’utilisation accrue de la technologie orientée données est le développement de l’identité numérique. Fondamentalement, une identité numérique prend la forme de données disponibles en ligne permettant de vous identifier une fois authentifiées. Selon les estimations d’Acuity Market intelligence, le marché africain de l’identité biométrique et numérique est de 1,4 milliard GBP. Ce marché attire de nombreuses sociétés internationales, comme Gemalto, Zete’s People ID Division, Idemia, Semlex, Biorugged, Veridos et IN Groupe, qui ont des contrats publics sur tout le continent.
Au moins dix pays africains ont tenté de mettre en œuvre l’identité numérique, au moins partiellement. Il existe des systèmes d’identification de base au Ghana, au Kenya, au Lesotho, au Mozambique, au Nigeria, au Rwanda, en Afrique du Sud, en Ouganda et au Zimbabwe. La Communauté d’Afrique de l’Est a introduit un passeport biométrique EAC que les pays membres ont adopté.
Au Kenya, la suppression progressive de l’ancienne génération de passeports a commencé en septembre 2017, en phase avec la numérisation des services dont le but est d’améliorer l’efficacité, d’éliminer les failles et de renforcer la sécurité dans le cadre du programme Vision 2030.
De même, le Rwanda a commencé à développer un système d’identification moderne fin 2000, avec la promulgation de la loi régissant l’enregistrement de la population et l’émission de la carte nationale d’identité en 2008. Cette loi a introduit deux types de carte d’identité. Le premier, qui est aussi le plus couramment utilisé, est la carte d’identité en plastique portant un code barre en 2D au dos. Le second est une carte à puce. Ces cartes portent toutes les deux un numéro à 16 chiffres servant actuellement de numéro d’identification.
Dans l’ensemble, les pays africains font des progrès significatifs en matière de transformation numérique, en grande partie grâce à la disponibilité et à l’utilisation accrues de la technologie orientée données. De l’amélioration de la productivité agricole à l’expansion de l’accès aux services financiers, les divers usages de cette technologie stimulent le développement économique et social sur le continent.
Cependant, il est important que les bienfaits de la technologie orientée données soient distribués de manière équitable et que l’infrastructure et la culture numérique nécessaires soient en place, pour garantir une utilisation éthique et responsable et de sorte que ses bienfaits profitent aux personnes qui en ont le plus besoin. Il est également important de noter que la technologie orientée données a aussi des inconvénients potentiels, comme les questions relatives à la confidentialité et à la propriété des données.
Cela implique d’investir dans le développement d’infrastructures comme la connectivité à l’Internet et l’alimentation électrique, ainsi que dans la formation et l’éducation, afin d’assurer le niveau de compétence requis pour que les personnes puissent utiliser la technologie orientée données de manière efficace.
Il est évident que la technologie orientée données a eu un impact admirable sur la situation économique de nombreux États africains, et on s’attend à ce que cet impact continue de se faire sentir au cours des années à venir. Il y a encore des lacunes à combler, mais les résultats actuels sont prometteurs. Les technologies comme les Big Data, l’intelligence artificielle (IA), l’apprentissage machine, l’Internet des objets (IdO), la mobilité et l’informatique dématérialisée, qu’elles soient utilisées individuellement ou en combinaison, ont le potentiel de renforcer les secteurs économiques clés des pays africains
Lire l’article d’origine sur The Standard
*Traduit à partir du texte anglais original.