Par Jeune Afrique.
Un an après avoir fait condamner le pays à plus de 20millions de dollars, l’entreprise technologique signe un nouveau contrat avec le régulateur pour améliorer la gestion des données du secteur numérique.
S’il est une entreprise tenace en Afrique, c’est bien celle que dirige James G. Claude depuis 2018. Contre toute attente, le dirigeant de Global Voice Group (GVG), société basée aux Seychelles et spécialisée dans la gestion des données de masses pour le compte d’administrations publiques, a signé le 7avril un nouveau contratbuilt-operate-transfer(BOT) courant sur 60 mois avec l’Autorité guinéenne de régulation des Postes et Télécommunications (ARPT).
Amende et polémique
GVG vient ainsi appuyer les services du régulateur dans le suivi et l’analyse de toutes les données relatives aux identités mobiles et numériques, à l’interconnectivité, des services data et de l’argent mobile. «Jusqu’ici, un régulateur télécoms ou une banque centrale avaient recours à des audits trimestriels pour surveiller le respect du cadre réglementaire. Ce que nous proposons désormais, c’est ce que nous appelons laregtech, c’est-à-dire des outils pour surveiller quasiment en temps réel l’activité des entreprises régulées et ainsi être plus réactifs dans les décisions à prendre», explique le dirigeant de GVG.
Ce partenariat qui prévoit la mise en place à partir de juin d’une «plateforme de pointe pour la régulation de l’écosystème mobile et numérique» dans le pays, intervientun an et demi après que GVG est parvenu à condamner l’État à une amende de 21,7 millions de dollarspour des impayés et une rupture jugée «abusive» d’un précédent contrat portant sur la gestion des appels internationaux entrants.L’affaire a coûté son poste de ministre des Postes, Télécommunications et de l’Économie numérique à Moustapha Mamy Diaby, également ex-patron du régulateur. C’est lui qui avait décidé de mettre fin au contrat en 2014.
Nous avons pu convaincre les différentes parties prenantes de fermer cette parenthèse afin de repartir sur de bonnes bases
Ce fidèle d’Alpha Condé s’était, à la suite du jugement, engagé dans une médiatique chasse aux sorcières au sein de sa propre administration. La polémique, qui a a débouché sur un procès pour détournement de fonds –toujours en cours –impliquant Moustapha Mamy Diaby en tant que plaignant et deux ex-patron de l’ARPT, a poussé leprésident Alpha Condé à écarter son ministre du gouvernement en juin 2020.
Un «appel d’offres restreint»
Interrogé parJeune Afriquesur le retour de GVG dans son pays, M.Mamy Diaby n’a pas donné suite à nos sollicitations. Pour sa part, l’entreprise aux 200 salariés ne se soucie pas d’une affaire qui pourrait entacher son image dans le pays. «Je pense qu’il y a toujours eu une volonté mutuelle de renouer la relation, affirme James G. Claude. J’ai toujours cherché à entrer en contact avec la nouvelle administration du régulateur. Et, ces derniers mois, nous avons pu convaincre les différentes parties prenantes de fermer cette parenthèse légale afin de repartir sur de bonnes bases».
«Les nouveaux segments de marché des TIC et la résolution du contentieux judiciaire avec la Cour arbitrale de Paris [la Guinée avait fait appel de la décision] ont motivé le régulateur à signer ce nouveau contrat», indique pour sa part àJeune AfriqueYacouba Cissé, actuel directeur général de l’ARPT.L’attribution du contrat n’a néanmoins pas donné lieu à un appel d’offre ouvert. James G. Claude précise qu’il y a bien eu «un processus de consultation de divers prestataires techniques», ce que confirme le directeur du régulateur, évoquant un «appel d’offres restreint».
GVG droit dans ses bottes
Du reste, l’entreprise panafricaine, qui possède des bureaux en Afrique du Sud, à Dakar (pour son support technique) mais aussi à Madrid, est habitué aux environnements hostiles à son développement. Longtemps accusée par les opérateurs télécoms d’être un intermédiaire inutile faisant indirectement monter les prix des communications dans les pays où elle s’implante –ce fut le cas auSénégalet auGhana–, GVG a continué son développement sans sourciller.
L’entreprise, qui refuse de communiquer son chiffre d’affaires, dispose actuellement de contrats actifs dans dix marchés africains, dont deux ont été signés en 2020 au Zimbabwe et au Lesotho. Elle revendique une croissance comprise en 15 % et 20 % lui permettant d’envisager des implantations en Asie du Sud et en Amérique latine. C’est en tout cas ce que projette James G. Claude : «Nos solutions ont atteint un niveau de maturité qui nous le permettent», conclut l’ingénieur formé à Saint-Domingue et ex-directeur technique de l’entreprise.