Protection des recettes en Afrique : 5 questions à notre directeur technique
Comment la protection des recettes dans les pays africains a-t-elle évolué au cours des
dernières années ?
L’Afrique a des besoins de développement importants, ce qui explique pourquoi la mobilisation des recettes est une priorité pour les gouvernements africains. Cependant, la fraude et une perception fiscale inefficace dans les secteurs clés de l’économie entraînent des pertes de revenu considérables qui doivent être jugulées.
En ce qui concerne les recettes fiscales, le Fonds monétaire international (IMF) indique que l’Afrique subsaharienne spécifiquement, avec un ratio recettes fiscales/PIB de 15% en 2019, n’a pas encore réalisé son potentiel comparé à d’autres régions. À l’insuffisance de l’administration et de la conformité fiscales, on peut ajouter la pandémie de la Covid-19, qui a apporté avec elle son lot de pression financière, sous la forme de lourdes dépenses de santé de la part des gouvernements. Durant la pandémie, les recettes fiscales – ainsi que les recettes non fiscales, d’ailleurs – ont chuté, alors qu’elles avaient augmenté régulièrement d’un taux moyen proche de 13% par an au cours des trente dernières années. Les estimations indiquent que la plupart des pays d’Afrique subsaharienne ont enregistré une croissance négative des recettes nominales en 2020.
La fraude sous toutes ses formes (sous-déclaration des revenus, appels « de bypass », etc.), surtout dans les secteurs économiques clés comme les télécoms et les services financiers numériques, prive également les gouvernements de recettes substantielles chaque année, et n’est pas un phénomène récent. En effet, malgré l’impact positif, aux niveaux économique et social, de l’expansion de ces secteurs en tant que nouvelle source de revenu pour le budget national, les télécoms, par exemple, sont vulnérables à différents types de fraude, comme la fraude à la SIM box, les appels « de bypass », la fraude liée à l’itinérance, etc.
À quels défis les gouvernements africains doivent-ils actuellement faire face en matière de protection des recettes ?
Je dirais que les défis actuels sont relativement les mêmes que ceux auxquels les gouvernements ont été confrontés au cours des dernières années. En effet, comme je l’ai indiqué plus tôt, la fraude et une perception fiscale inefficace dans les secteurs économiques clés demeurent problématiques en Afrique. Mais il faut ajouter à cela l’accélération de la transformation numérique qu’a entraînée la pandémie de la Covid-19. Dans ce contexte, le volume de paiements et transactions numériques a augmenté de manière considérable, représentant ainsi une opportunité substantielle de revenu pour les gouvernements.
Cependant, cette accélération de la transformation numérique a également mené à plus grande sophistication des méthodes employées par les criminels pour soit exploiter l’expansion des télécoms et des services financiers numériques, soit se soustraire aux taxes. Les gouvernements africains doivent donc mettre des mesures en place pour endiguer les fuites de recettes et encourager la conformité fiscale s’ils veulent améliorer la perception fiscale et par conséquent leur ratio recettes fiscales/PIB, en vue de mieux mobiliser les recettes nécessaires à leurs projets de développement. La technologie est l’un de leurs alliés les plus solides à cet égard. Elle aide à résoudre trois problèmes qui, selon l’économiste de la Banque mondiale Oyebola Okunogbe, empêchent les pays à faible revenu de percevoir efficacement les taxes : le manque de données, une administration ayant grandement besoin d’être modernisée et numérisée, et des lacunes réglementaires.
La technologie adaptée facilitera la collecte et le traitement des données à des fins décisionnelles et de protection des recettes, fournissant ainsi aux gouvernements des informations précieuses qui leur permettront de prendre des décisions judicieuses, de combler les lacunes réglementaires et de superviser efficacement les secteurs économiques clés. Elle fournira également aux administrations fiscales des outils numériques modernes qui leur permettront de remplir leur mission.
Quelles sont les technologies émergentes qui vont aider les gouvernements à relever le défi des pertes de revenu dues à la fraude ?
La fraude entraîne la perte de milliards de dollars dans le secteur des télécoms chaque année. Les criminels se servent de la technologie pour accéder aux services télécoms sans payer les frais et taxes associés, ou pour contourner les réseaux légitimes et empocher une partie du tarif de terminaison. Mais les gouvernements eux aussi perdent des revenus en raison de la fraude. En effet, certains des acteurs clés de l’industrie des télécoms ne déclarent pas la totalité de leurs recettes, et ne paient donc pas le montant intégral de la taxe due au gouvernement. Il y a aussi le problème lié aux travailleurs fantômes, c’est-à-dire des employés qui ne travaillent pas pour le gouvernement, bien qu’ils apparaissent au registre du personnel, mais gagnent tout de même un salaire. Cela entraîne des pertes financières sévères pour les pays concernés.
Pour juguler ces pertes, et ainsi générer des recettes supplémentaires qui pourront servir à financer des projets de développement, les gouvernements africains ont besoin d’avoir une visibilité totale des secteurs de l’économie africaine comme les télécommunications et les services financiers numériques. C’est là que les technologies comme la regtech, ou technologie réglementaire, entrent en jeu. La regtech aide les gouvernements et les autorités réglementaires à gérer la conformité réglementaire au sein d’un secteur donné, en leur fournissant des données fiables et en temps réel qui viendront soutenir le processus décisionnel et la supervision.
En tant que fournisseur de regtech, et fort de plus de 20 années d’expérience dans la protection des recettes issues de secteurs clés dans les pays émergents, Global Voice Group offre les systèmes numériques nécessaires pour prévenir et contrer la fraude dans les télécoms. Ces systèmes comprennent des solutions qui protègent les recettes fiscales et des télécoms, aidant ainsi les gouvernements et les régulateurs à remplir leur mission en matière de supervision et de conformité.
Quels éléments non technologiques influencent la protection des recettes ?
Je commencerais par l’infrastructure, car cette dernière représente une considération importante. Comme je l’ai mentionné auparavant, la technologie peut efficacement soutenir la protection des recettes en fournissant les données nécessaires. Mais que se passe-t-il ensuite ? Les gouvernements qui choisissent d’adopter la regtech et autres technologies d’analyse de données pour assurer la protection des recettes doivent mettre en place des centre de données afin de centraliser, de traiter, de consolider et de stocker les données rassemblées dans leur pays respectif par le biais d’outils technologiques. De plus, en Afrique, l’administration, y compris l’administration fiscale, ont grandement besoin d’être modernisées, ce qui implique de remplacer les méthodes papier obsolètes par des méthodes électroniques.
Deuxièmement, il est important de parler de la réglementation comme moyen d’optimiser la protection des recettes. Un cadre réglementaire approprié joue un rôle clé dans la promotion de la conformité fiscale, et donc de la protection des recettes. Les lacune réglementaires actuelles doivent être comblées. Ici, il convient également de rappeler le fait que, de façon générale, un cadre réglementaire solide a la capacité de stimuler la croissance du PIB de plus de 2% par an.
Et troisièmement, je pense que l’éducation et la formation méritent d’être mentionnées : l’éducation pour les citoyens, qui pourraient avoir besoin d’être davantage sensibilisés à l’importance des recettes fiscales ; et la formation pour les gouvernements et les autorités de réglementation, en matière d’utilisation efficace de la technologie pour promouvoir la conformité.
À chaque fois que l’on aborde le sujet des solutions de supervision des données à des fins de protection des recettes, les sceptiques soulèvent la question de la protection des données. Comment peut-on rassurer le public à cet égard ?
La sécurité est l’un des piliers de la confiance dans l’écosystème numérique, et les inquiétudes relatives à de potentielles atteintes à la sécurité des données sont légitimes. Dans certains cas, elles peuvent même l’emporter sur les avantages perçus de la collecte et de l’analyse des données pour la population. Ces inquiétudes peuvent être atténuées en assurant le public qu’il est possible de trouver le juste équilibre entre utilisation et protection des données personnelles. La pseudonymisation et l’anonymisation permettent d’atteindre cet équilibre.
Le GDPR définit l’anonymisation comme un processus qui rend les données anonymes de telle sorte que le sujet des données ne peut pas ou plus être identifié. Quant à la pseudonymisation, elle est définie comme le traitement de données personnelles de telle sorte que ces données ne peuvent plus être attribuées à un sujet de données spécifique sans avoir recours à des informations supplémentaires. GVG applique ces deux méthodes aux données que ses plateformes rassemblent. Nous transformons les données en supprimant les identifiants qui relient les données à un individu précis ou en ajoutant de faux identifiants qui « anonymisent » les données. Il est également important de souligner la pertinence de travailler avec de grands blocs de données, car cela rend plus difficile l’identification des individus.
Cependant, pour optimiser la confiance, de telles interventions nécessitent le soutien d’un cadre réglementaire concernant la protection des données personnelles. De plus en plus de pays africains mettent en place une législation visant à protéger les données des citoyens. En effet, 29 des 54 pays ont déjà mis en œuvre une législation pertinente, et 9 en sont au stade de l’ébauche. Cette amélioration est la bienvenue. Toutefois, il y a encore du travail à faire pour consolider ces progrès, et l’harmonisation réglementaire constitue une prochaine étape importante.
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