Alors que le monde entier fait face à une nouvelle vague de Covid-19 en partie liée aux variants du virus, il est essentiel de repenser la stratégie de lutte contre la pandémie. En Afrique, les Etats se trouvent confrontés à un dilemme : reconfiner leur population en dépit de l’impact économique d’une telle mesure, ou permettre aux populations de continuer à travailler dans un contexte sanitaire tendu. Une troisième voie pourrait émerger grâce à l’identification numérique.
Plus d’un an après l’apparition des premiers cas, les leçons doivent être tirées de la gestion passée afin de lutter plus efficacement contre le virus, voire d’apprendre à vivre sur le long terme. Cette optique implique de s’appuyer sur deux éléments : l’identification et le suivi des flux de population. En effet, l’enjeu principal dans la lutte contre le Covid-19 est celui de la réactivité (ou proactivité?) des Etats dans leur réponse à la propagation inéluctable de ce virus.
Définie par la Banque mondiale comme « un ensemble d’attributs saisis et stockés électroniquement qui permettent d’identifier une personne de manière unique », l’identité numérique fait l’objet d’une attention toute particulière des acteurs nationaux et internationaux du fait de son potentiel en matière d’inclusion des populations africaines. Si les avantages de l’identité numérique sont souvent corrélés à l’aspect financier, la crise sanitaire actuelle souligne que d’autres utilisations de cette technologie sont également pertinentes. On estime aujourd’hui à près d’un milliard le nombre de personnes dans le monde ne disposant d’aucune pièce d’identité officielle, excluant de fait ces individus de la plupart des services politiques, économiques et sociaux. Près de la moitié d’entre eux vivent en Afrique subsaharienne. Pourtant, avec un taux de pénétration mobile significatif et en constante augmentation ces dernières années, la mise en place d’identités numériques fiables et sécurisées permettrait de combler ce manque. Un tel modèle est déjà à l’étude aujourd’hui au Nigeria et, s’il s’avérait concluant, pourrait conduire d’autres pays à lui emboîter le pas. Une avancée potentiellement majeure dans la lutte contre le Covid et les inéluctables futures épidémies.
Gain en efficacité
Quels liens entre l’identité numérique et la lutte contre le Covid ? La rapidité et le gain en efficacité. En plus de permettre un suivi des contaminations le plus fiable possible, l’identité numérique devrait permettre de faciliter et rationaliser d’autres politiques menées à l’échelle nationale, comme celle de la vaccination, qui démarre lentement sur le continent. Là encore, le fait d’attribuer une identité numérique à chaque citoyen des Etats concernés aiderait à conduire une campagne de vaccination véritablement inclusive en s’assurant que l’ensemble des populations – et en particulier les citoyens des régions les plus reculées – ont eu accès au vaccin et aux soins adéquats.
En outre, le fait d’identifier numériquement l’ensemble des populations devrait permettre de fluidifier les démarches administratives et la logistique que requiert une campagne médicale menée à une telle échelle. L’intérêt d’une identification numérique pourrait même dépasser les frontières nationales en permettant aux individus vaccinés et identifiés par leur mobile de pouvoir transiter entre les pays, dans une région où les flux transfrontaliers jouent un rôle économique crucial.
Nécessaire réactivité
La combinaison de la technologie d’identité numérique et d’autres innovations récentes, telles que l’outil développé par l’Ivoirien Ali Diakité pour lutter contre le VIH, devrait aider les Etats africains à consolider leur gestion de la pandémie. L’outil imaginé par Ali Diakité répond en effet à une volonté d’améliorer la qualité des données, leur actualisation et la réponse épidémique, en permettant une agrégation automatisée et quasi-instantanée des données sanitaires recueillies.
Un tel gain de temps serait précieux tant la réactivité des mesures prises est essentielle dans la lutte contre le Covid. Compte tenu de la difficulté à juguler sa propagation, les Etats africains doivent faire le choix du numérique et de solutions innovantes, seules véritables options aujourd’hui pour faire face à cette crise inédite.
Par Laurent Sarr, Directeur Technique de Global Voice Group